Auteur : Serge Antoine
source : Notre planète, revue du PNUE. Numéro spécial 2005
Serge Antoine revient sur les origines de la Convention de Barcelone et retrace 30 années de coopération dans le bassin méditerranéen.
Déjà 30 ans ! C’était hier. La conférence de Stockholm en 1972 venait d’avoir lieu, c’était le premier Sommet mondial sur l’environnement. À peine terminé, Maurice Strong, son responsable, qui lançait le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), me demande quelles initiatives peuvent être prises. Je réponds d’emblée : la Méditerranée et y faire se rejoindre environnement, développement, aménagement du territoire – un grand territoire de quelque 20 pays riverains, alors ignoré de toutes les institutions internationales qui découpaient la région en Europe, Afrique et Asie. Seules quelques voix pionnières, celle de Jacques-Yves Cousteau ou d’Elisabeth Mann Borgese la considéraient alors comme un tout dont la mer, patrimoine commun, était fragile et menacée.
La réponse de Strong fut rapide et, dès 1974, son adjoint, Peter Thacher, me rencontra et mit l’idée en route. Une conférence plénipotentiaire fut convoquée à Barcelone en 1975, suivie d’une autre en 1976 pour réunir les États. Le courant passa à Barcelone entre les pays riverains, au point que le Portugal, cependant atlantique, et que l’URSS sur la mer Noire frappèrent à la porte de cette communauté. Ils étaient, avec les États-Unis, observateurs à la réunion mais cela s’arrêta là et les Méditerranéens riverains décidèrent de rester en famille.
Heureuse surprise, la Commission des Communautés européennes fut très présente, active et, pour la première fois de son histoire, accepta de signer une convention internationale. J’ai, avec Olivier Manet, ambassadeur, tenu le banc de la France : il nous fallut convaincre, avant la réunion, chez nous, nos ministères que notre pays avait aussi un rôle méditerranéen par son littoral du Midi et de la Corse, par son rôle historique et par son revenu national qui, à l’époque, représentait 45 % du total des pays méditerranéens.
La convention de Barcelone avait un baptême à la fois onusien (le PNUE en fit le lancement de son Programme pour les mers régionales) et gouvernemental. Ils sont 21 aujourd’hui, soucieux chacun, à juste titre, de voir affirmée son identité nationale. Toute la famille est là pour décliner au consensus une coopération marine et un travail environnemental, concentré sur le littoral (47 000 km de côtes), les arrière-pays, mais aussi sur les territoires de l’ensemble des pays – ce qui est particulièrement à rappeler pour des pays à plusieurs façades maritimes : le Maroc, l’Espagne, la France, la Turquie et l’Égypte.
Dans les toutes premières années du PAM (Plan d’action pour la Méditerranée), il y a eu le ralliement de l’Algérie et de l’Albanie à ceux qui avaient déjà signé la convention de Barcelone. En 1978, le Plan bleu pour l’exploration des futurs de la Méditerranée, que j’avais lancé, a été confirmé grâce à l’action d’Ismaïl Sabri Abdalla. En 1982, Athènes fut choisie, lors de la réunion des parties contractantes à Montpellier, comme siège du PAM. Split et Tunis, après Malte, accueillaient des centres du PAM et, en 1985, à Gênes, autour de Mostapha Tolba, directeur exécutif du PNUE furent adoptées, après dix ans de travail, les 10 grandes orientations du PAM pour 1985-1995.
En 1989, le Plan bleu, sous la signature de Michel Batisse, son président depuis 1983, et de Michel Grenon, publiait un ouvrage de base, le Tableau de la Méditerranée à l’horizon 2010 et énonçait des actions à entreprendre pour que la région, de 450 millions d’habitants, n’aille pas dans le mur et valorise ses atouts dans un monde de plus en plus compétitif. Et après le sommet de Rio en 1992, la Tunisie proposa d’ouvrir le Plan d’action pour la Méditerranée qui reliait déjà l’environnement au concept de développement durable ; ce qui fut fait en 1994 avec, notamment, la création de la Commission méditerranéenne du développement durable et l’entrée officielle de la société civile – associations, autorités locales, entreprises.
Charles de Gaulle avait dit en 1943 : « Un jour viendra où la paix rapprochera depuis le Bosphore jusqu’aux colonnes d’Hercule des peuples à qui mille raisons aussi vieilles que l’histoire commandent de se regrouper afin de se compléter. »
Serge Antoine est le représentant de la France à la Commission méditerranéenne du développement durable.
* Notre planète, revue du PNUE, numéro spécial [2005], p. 10.