Jean-Claude Oppeneau Ancien directeur du Srétie, ministère de l’Environnement sur Serge Antoine
Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006
C’est avec beaucoup d’émotion que j’interviens aujourd’hui. Liée à 35 années de cheminement partagées avec Serge au ministère, au Comité 21, au niveau local aussi, car nous étions, tous deux, des élus de communes voisines. Il y a eu aussi notre amitié, notre penchant pour l’étude des civilisations et des grands espaces, notamment méditerranéens. Je viens donc témoigner rapidement de quelques exercices de prospective appliquée auxquels Serge se livrait, en encourageant aussi les voies où il estimait que nous pourrions planter les germes pour le futur, lui qui avait été chargé, en 1971, d’inventer la recherche sur l’environnement.
J’ai pris le parti de n’évoquer que quelques exemples significatifs rapides, techniques qui confirment son éclectisme et sa passion pour l’innovation : « Le plus léger que l’air », il a participé à réhabiliter la montgolfière, organisé « les fêtes de l’air et du vent à Arc-et-Senans », « Le bicentenaire de la Révolution française » fêté par l’envol de montgolfières le 1er janvier 1989 dans toutes les préfectures avec la diffusion à cent mille exemplaires du texte de la Déclaration des droits de l’homme illustré par Yona Friedman… Autant de manifestations qui marquaient son intérêt et cette fascination pour le milieu atmosphérique et ses secrets. La météorologie, la prévision du temps, l’utilisation des courants, la composition de l’atmosphère, d’où très tôt son approche sur le changement climatique.
Cette passion, d’ailleurs, se confirmait par sa prémonition sur l’intérêt du dirigeable. Je voudrais rappeler l’étude qu’il m’a demandé de mener en 1972, et que nous avons fait ensemble, sur la capacité et la possibilité du dirigeable dans le domaine de l’observation, du transport de charges importantes, de la surveillance des mouvements terrestres. Il est curieux de voir qu’aujourd’hui, en 2006, on parle beaucoup de dirigeables et l’on repense à ce qui était dans les études à l’époque. Aujourd’hui, on essaye de faire un grand dirigeable pour l’observation des mouvements terrestres et qui fait la grandeur d’un terrain de football : le système Isis. Par ailleurs, il ne faut pas oublier le fameux dirigeable lenticulaire, c’est-à-dire l’ellipsoïde qui permettait par sa géométrie d’être plus stable et de pouvoir emporter des charges importantes de lieu en lieu. Serge aimait aussi la cartographie, il faisait des cartes tout le temps, non seulement pour marquer le moment, mais aussi pour étudier les tendances sur ce qui allait arriver ou était arrivé.
Il y avait aussi l’intérêt que nous avions sur l’avion solaire. Souvenez-vous du 7 juillet 1981, la première traversée de la Manche avec un avion solaire. C’était le Solar Challenger réalisé à partir des travaux de Paul MacCready, un Américain. Cet avion a traversé la Manche en 5 heures et 23 minutes, à 48 km/h. Nous sommes partis, avec Serge, un matin très tôt à Cormeilles-en-Vexin, pour pousser l’avion solaire afin qu’il décolle. C’était la fête car Serge nous a appris aussi à ce que chaque événement soit un événement de fête. Nous avons beaucoup parlé pour voir comment mettre des cellules solaires, comment mettre l’hydrogène sur le futur avion et déjà, Serge avait pensé à cela.
On parlait donc d’énergie renouvelable dès 1972-1973, et il était déjà sur le sujet. Il y a trente ans, son intérêt s’est porté sur une éolienne particulière à axe vertical. Aujourd’hui, on en reparle pour en mettre dans la mer et récupérer l’énergie des courants.
Ce que l’on oublie toujours au sujet de la voiture propre dont on parle aujourd’hui, c’est que nous avons écrit en 1974 le premier document de la Documentation française sur la voiture propre et nous avions prévu qu’entre 2005 et 2010, on arriverait probablement à l’ère de la voiture électrique. Il est nécessaire de rappeler tout cela.
Sur l’international, nous avons lutté en 1983-1984 pour le Conseil d’environnement sur la coopération décentralisée. Il y a eu aussi le fameux centime pour « Solidarité eau », c’est-à-dire que pour chaque mètre cube d’eau utilisé par les Français, il y aurait un centime pour les pays en développement. C’étaient déjà, en quelque sorte, les objectifs du Millénaire pour le développement. Et une loi est passée l’année dernière, le 27 janvier 2005, la loi Oudin-Santini qui permet aux municipalités de consacrer un pourcentage de leurs dépenses d’eau pour les pays en développement. Pour moi, Serge était l’aventurier de l’innovation et de la vision de l’avenir, dans le domaine de l’environnement, tout comme nous avons connu à l’époque les aventuriers Bombard, Cousteau, etc. Ils étaient nos amis et des aventuriers de l’exploration du monde. Serge, avec cette ouverture d’esprit qui le caractérisait et qui privilégiait l’initiative, l’innovation mais aussi déjà la vision systémique, l’un des caractères fondamentaux du développement durable, était vraiment un visionnaire.
Ce soir, nous allons fêter les 50 ans de la société Bertin. Jean Bertin était un ami commun, avec qui nous avons beaucoup investi sur l’aérotrain. Déjà à cette époque, Serge avait soutenu cet aérotrain et cette société de l’innovation. Préparer l’avenir c’est aussi avoir une volonté. Je crois pouvoir dire que cette volonté, nous pouvons nous la rappeler dans l’action de Serge pour lutter pour une rivière qui est en train de mourir, la Bièvre, et qu’il a essayé de revivifier. Je crois que cette volonté sur la résurrection, la réhabilitation des milieux qui ont été complètement pollués et des sources qui ont été taries est ce qui caractérise Serge que je salue encore une fois aujourd’hui.